On naît, on grandit, on se fréquente, et, mieux assuré de ses sentiments, on décide de former un couple. On fait les plus beaux rêves et on se permet de grands espoirs: fonder une famille. On ne peut demander plus! Avoir un enfant, c’est si beau et si extraordinaire. De la conception à la naissance s’échafaude l’environnement qui accueillera cet enfant. Les émotions et la complicité se précisent pour la venue du petit à naître. Enfin, c’est l’émerveillement, il est arrivé. C’est un…, il n’a pas de difformité, il est normal!
De retour à la maison depuis trois semaines, une nouvelle vie de famille commence. Tout tourne autour de ce nouveau venu. « Quelle belle réussite! » se disent les nouveaux parents. Le téléphone sonne, c’est le pédiatre, c’est le drame, un monde qui s’écroule. On avait oublié le dépistage néonatal, l’examen du sang et de l’urine qui nous informe de ce qui n’est pas encore apparent.
Le médecin avise les parents qu’on soupçonne une maladie héréditaire qui touche le foie et les reins. Il leur explique que le manque d’une enzyme empêche la dégradation de la tyrosine et que sans traitement l’issue est fatale. On hospitalise l’enfant pour lui faire subir des examens complémentaires qui confirmeront le diagnostic: leur enfant a la tyrosinémie.
Que ressentent les parents? C’est difficile à expliquer, il faut le vivre pour le savoir. Que faire avec cette maladie? Qui est le coupable? Lui ou elle…? Se sont-ils trompés de bébé? Pourquoi nous??? Maintes questions pour en arriver à une dernière qui mobilisera toute notre énergie: peut-on se battre contre cette maladie?
On commence avec la diète (réduite en phénylalanine et tyrosine), plusieurs examens sanguins, pour en arriver, aujourd’hui, à la transplantation hépatique. L’enfant devra peser au moins 12 kilos, il devra être disponible 24 heures sur 24, l’opération se fera à l’Hôpital Sainte-Justine et le séjour variera de un à trois mois. Que de problèmes, pensez-vous! Heureusement, depuis quelques années, il y a le Groupe aide aux enfants tyrosinémiques du Québec.
À ce survol rapide des événements, il y a la vie du couple, de la famille, et de la famille élargie qui n’est pas ce qu’elle aurait dû être à l’arrivée d’un nouvel enfant. Il n’y a plus de choix, on parle maintenant de risque. On se base sur des statistiques pour évaluer la vie de notre enfant. Sans traitement, le taux de mortalité est de 100 % après un an; le traitement palliatif fait progresser l’espérance de vie à cinq ans pour 50 % des enfants; finalement il y a la greffe avec ses 86 % de taux de réussite pour cinq ans et bientôt, plusieurs l’espèrent, la thérapie génique qui devrait être sans limite de temps. C’est tout un avenir, n’est Tous ces éléments témoignent de la vie d’un couple, d’une famille, avec un enfant atteint de la tyrosinémie. Ce ne sont pas des propos alarmistes mais la réalité vécue par les parents confrontés à une telle situation.
Les couples qui ont un ou des enfants atteints d’une maladie héréditaire sont laissés beaucoup à eux-mêmes. Le médecin leur explique le diagnostic et ses conséquences mais ne peut en faire plus. Il offre une grande disponibilité quand cela est possible mais que peut-il faire de plus? Les parents font une crise et cherchent le coupable. Ils ne comprennent pas ce qui leur arrive. Ils ont parfois un numéro de téléphone où ils peuvent joindre un couple comme eux. Mais pourquoi embêter des étrangers avec nos problèmes? C’est ainsi que le temps passe et que chacun réinvente la roue et parcourt les multiples dédales des services de santé.
Gérard Tremblay, Président du Groupe aide aux enfants tyrosinémiques du Québec (GAETQ) 1993